Coralie Cornou   

Transflorescence

La rose est

                       sans pourquoi

 

"Ce monde : un monstre de force, sans commencement, sans fin, une ferme, adamantine grandeur de force qui ne devient pas plus grande ni ne diminue, qui ne s’use pas, mais ne fait que se changer, comme tout inchangeablement grande, une économie sans sorties ni entrées, mais tout autant sans augmentation, sans profit, entourée par le “Rien” comme par sa limite, rien qui se perde, rien qui se dilapide, rien qui soit infiniment étendu, mais au contraire, en tant que force déterminée, installée dans un espace déterminé, et non pas dans un espace qui quelque part serait “vide”, bien plutôt en tant que force partout, en tant que jeu de forces et vagues de force en même temps un seul et beaucoup, ici s’accumulant et en même temps là s’amenuisant, un océan de forces en soi-même tourbillonnantes de flux en reflux, éternellement revenantes, dans des années inouïes du retour, avec un flux et un reflux de ses formes, à partir des plus simples faisant jaillir les plus complexes, des plus calmes, des plus figées, des plus froides les plus brûlantes, les plus sauvages, les plus contradictoires, et puis de nouveau à partir de la plénitude retournant chez soi au simple, du jeu des contradictions revenant à la jouissance de l’harmonie, se disant à nouveau oui à soi-même dans cette égalité des voies et des années, se bénissant soi-même comme cela qui doit éternellement revenir, comme un devenir qui ne connaît nulle satiété, nulle lassitude, nulle fatigue "


Friedrich Nietzsche

"Les vues partielles n’ont qu’une exactitude de petitesse. Le microscope est grand parce qu’il cherche le germe. Le télescope est grand parce qu’il cherche le centre. Pour bien voir l’homme, il faut regarder la nature ; pour bien voir la nature et l’homme, il faut contempler l’infini. Rien n’est le détail, tout est l’ensemble. À qui n’interroge pas tout, rien ne se révèle.[...] Il n’y a pas une loi extérieure et une loi intérieure. Le phénomène universel se réfracte d’un milieu dans l’autre ; de là les apparences diverses ; de là les différents systèmes de faits, tous concordants dans le relatif, tous identiques dans l’absolu. L’unité d’essence entraîne l’unité de substance, l’unité de substance entraîne l’unité de loi. Voici le vrai nom de l’Être : Tout Un. Le labyrinthe de l’immanence universelle a un réseau double, l’abstrait, le concret ; mais ce réseau double est en perpétuelle transfusion ; l’abstraction se concrète, la réalité s’abstrait, le palpable devient invisible, l’invisible devient palpable[...] de l’immatériel au matériel la fécondation est possible ; ce sont les deux sexes de l’infini ; il n’y a pas de frontières ; tout s’amalgame et s’aime ; flux et reflux du prodige dans le prodige ; mystère, énormité, vie."


Victor Hugo 

« Le mouvement infini est double, et il n’y a qu’un pli de l’un à l’autre. C’est en ce sens qu’on dit que penser et être sont une seule et même chose. Ou plutôt le mouvement n’est pas image de la pensée sans être aussi matière de l’être… Le Plan d’immanence a deux faces, comme Pensée et comme Nature, comme Physis et comme Noûs. C’est pourquoi il y a toujours beaucoup de mouvements infinis pris les uns dans les autres, dans la mesure où le retour de l’un en réclame un autre instantanément, de telle façon que le plan d’immanence ne cesse de se tisser, gigantesque navette. Se tourner vers n’implique pas seulement se détourner, mais affronter, faire volte-face, se retourner, s’égarer, s’effacer.

 

Gilles Deleuze